Quand on aime les choses bien faites, quand on est volontaire, rigoureux et qu’on nourrit un idéal élevé, il y a beaucoup de risques de devenir perfectionniste et de mettre la barre très haut.
Pour les perfectionnistes (dont j’ai fait partie), c’est une qualité. C’est même un trait de caractère. Grâce à cela, on atteint nos objectifs et on obtient d’excellents résultats. C’est efficace et indéniable. La plupart des perfectionnistes n’y voient aucun problème. A y regarder cependant de plus près, il y a un fameux revers à cette médaille.
Le perfectionnisme tend. Et cette tension fait toute la différence. Quand les choses ne se passent pas comme prévu, il peut y avoir des sensations de crispation, de colère, de dépit,… Les choses ne sont jamais assez bien, ni suffisantes. Les autres se découragent et nous, on ‘compense’ le (prétendu) manque. A la longue, cela laisse des traces. Cela peut mener jusqu’au burn-out.
Cela nous empêche de déléguer (on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, n’est-ce pas?). Cela rallonge souvent nos journées de travail plutôt que nos plages de détente. Cela déteint sur nos relations. Alors, oui, c’est ‘pico bello’ et ‘nickel chrome’ mais… à quel prix?
On n’en a pas toujours conscience mais la plupart du temps, on amplifie ces qualités (rigueur, persévérance, amour du travail bien fait,..), on les exploite à l’extrême pour une autre raison: nous faire aimer, obtenir la reconnaissance de ceux qui nous importent, combler une sensation de vide, …
Je fais une grande différence entre être perfectionniste et être dans le flow. Etre dans le flow, c’est être hyper concentré.e, dans un état où tout est fluide, où le geste atteint la maitrise. La main du chirurgien, de l’horloger ou de l’artiste, par exemple. Concentration, maitrise et excellence ne sont pas l’apanage du perfectionnisme.
Ce qui fait notamment la différence, c’est la permanence de cette exigence et la réaction que nous avons face au résultat. C’est le ‘jusqu’au boutisme’ et l’impossibilité de faire autrement.
Tournez cela dans le sens que vous voulez: non, il n’y a pas de perfectionnisme heureux. C’est un esclavage. On devient esclave de cette volonté que ce soit ‘plus que parfait’. La preuve? Quand tout n’est pas comme nous le souhaitons (une faute d’orthographe dans un courrier, du désordre dans une pièce, une tâche sur un vêtement, … des choses existentielles, quoi 😉 ), quand le résultat n’est pas à la hauteur de nos attentes: c’est difficile à vivre. Il y a de la dureté envers nous-même (et les autres). Du jugement. C’est cinglant. Il n’y a aucune once d’Amour.
« Oui mais », vous allez me dire. Non. Il n’y a pas de « oui mais c’est quand même… (nécessaire, utile, pas si grave,…) ». Vous pouvez ne pas avoir envie de changer, c’est autre chose. Et c’est votre droit.
Une question qui peut ouvrir et éclairer: si vous lâchiez ce perfectionnisme, qu’auriez-vous à y perdre? Votre image? Votre sensation de contrôle? …
Comment faire?
Pour les perfectionnistes
(1) Reconnaitre ce mécanisme en nous (c’est donc bien un mécanisme et non un trait de personnalité irréversible ;)).
(2) Reconnaitre les tensions voire les dégâts qu’il provoque (ressentiment, conflit, épuisement,…).
(3) Reconnaitre aussi les effets secondaires qu’il nous apporte (les compliments ou la sensation d’être irremplaçable, par exemple).
(4) Voir nos peurs (ne plus être aimé, être rejeté, ne pas être sélectionné,…) et les passer au crible de la réalité: sont-elles réelles? (non dans 95% des cas) et si oui: ma qualité de vie vaut-elle la peine que je vive cela?
(5) Nommer le(s) besoin(s) qui se cache(nt) derrière ce fonctionnement (besoin de reconnaissance, d’être aimé, d’être rassuré,…).
(6) Constater tout cela avec beaucoup d’amour et de bienveillance pour soi. Rassurer la part de nous-même qui croit qu’en lâchant ce mécanisme, nous courrons à notre perte.
(7) Observer la Vie, la nature, les enfants… qui sont des grands maitres. Voir la Vie qui jaillit partout y compris dans les lignes qui dépassent du dessin d’un enfant… Et s’attendrir sur nos prétendues erreurs. Poser un regard doux.
(8) Prendre soin, d’une autre manière, du besoin qui est à l’origine de ce mécanisme qui est en nous.
(9) Se détendre. Rire. Bienvenue dans le monde des humains ! 🙂
Pour ceux et celles qui vivent avec des perfectionnistes.
(1) Aimer cette personne pour qui elle est. Qu’elle soit dans son perfectionnisme ou non d’ailleurs. Ne la jugez pas. Soyez doux et bienveillant. C’est ce dont elle a le plus besoin.
(2) Exprimez vos besoins avec respect si ce perfectionnisme a des effets collatéraux dans votre vie. Trouvez ensemble les compromis.
En ce qui me concerne, j’aime toujours les choses bien faites et je ne suis pas devenue ‘je m’en foutiste’ pour autant. Maintenant je souris intérieurement quand je constate que quelque chose n’est ‘pas parfait’. J’en suis même touchée. J’y vois la Vie qui reprend ses droits. Je sens combien j’ai gagné en liberté intérieure. Et cela vaut toutes les perfections du monde! 🙂
" La perfection est atteinte, non pas lorsqu'il n'y a plus rien à ajouter, mais lorsqu'il n'y a plus rien à retirer".
St Exupéry
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